29 Août

Mon billet d’humeur : Bio artisanal ou bio industriel ?


Le billet d’humeur d’un caviste indépendant #2

Le label bio au service du vin industriel ?

Et vous; votre vin, vous le voulez bio, raisonné, biodynamique, nature, S.A.I.N.S, HVE, Nature et progrès … ???

Oui, mais … ce label, vous le voulez artisanal ou industriel ?

La première question devrait plutôt être celle-ci.

Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il y a une différence nette entre un jambon industriel (Madranges, Herta…) y compris bio et le jambon bio ou non de notre artisan charcutier qui a sélectionné sa viande, transformé, cuisiné et cuit son jambon sans additif.

Contrairement à une charcuterie (ou à un fromage) où la différence entre une fabrication industrielle ou artisanale se voit à l’oeil, le vin lui, dans sa bouteille ne montre pas de différence nette entre les deux qualités; à part biensûr quelques petits détails marketing sur l’étiquette (l’industrie en raffole). Et pourtant ces deux familles existent bien avec de grosses différences. 

La tromperie est d’autant plus grande.

Comme pour le jambon industriel sous vide, le vin industriel renferme bien plus que son produit originel (jus de raisin). Il est également corrigé par de nombreux additifs, correcteurs, stabilisateurs… y compris en bio. Et oui le bio n’interdit pas les additifs, ni les correcteurs et autres mixtures industrielles. 

L’explication est simple: l’industrie a l’obligation de travailler de gros volumes pour assurer une rentabilité économique. Ce gros volume impose une machinerie industrielle avec un effet dévastateur sur la qualité du raisin puis du jus. Ce jus maltraité  devra donc être “corrigé” par ces additifs.

Ce vin, après mauvais traitement puis correction, est “mort”! même si il est “bio” (qui je vous le rappelle signifie pourtant  “vie”) et n’a donc plus rien à vous raconter à part l’expression nonchalante de quelques arômes “rebelles” souvent mis en exergue par des techniques de sur-extractions industrielles bien sûr.

L’agriculture biologique garantie par le label devrait au contraire apporter une surdose de vie, d’expression aromatique juste et précise, de typicité de terroir, d’un supplément d’âme… et même de l’histoire du producteur, du lieu….

Cette garantie existe mais à condition que le travail soit respectueux du produit et de son environnement, et que l’humain y ait sa place; bref, un travail artisanal.

Le label BIO est évidemment important et signifie quelquechose. La viticulture biologique a vraiment démontré son intérêt sur tous les fronts (respect de l’environnement, de la santé, des sols mais aussi sur l’expression aromatique et bien plus encore). Il doit simplement éviter son détournement par l’agro-industrie trompant le consommateur…

Ce label n’a de sens qu’en étant associé à un mode de production artisanale.

Sur un produit artisanal le label apporte un gage de qualité et de sincérité. Sur un produit industriel, c’est un argument marketing fallacieux!

Au delà de l’absurdité de ce label pour l’industrie, il participe à cacher des considérations précieuses concernant le mode de production. Le logo bio est devenu pour beaucoup une garantie suprême en terme de qualité, d’hygiène, de goût, d’écologie, de respect de l’humain… et contribue à rendre légitime la mauvaise qualité grâce à un “masque”. Il permet ainsi de l’aide à la vente et au développement de cette agriculture industrielle, intensive labellisée.

La question existe d’ailleurs au niveau de la production ET de la distribution.

Ce système fonctionne d’ailleurs très bien au regard des mètres linéaires toujours grandissants des rayons bio des grandes surfaces. 

Le bio industriel semble bien être le nouvel eldorado des hypermarchés qui avaient justement besoin d’un « booster » face à un début de déclin général, au profit des plus petites surfaces.

Quelle aubaine! ces labels permettant des rayons entiers dédiés aux produits industriels aux provenances cachées et aux ingrédients douteux mais … certifiés BIO.

Ne tombons donc pas dans le piège, et regardons derrière (ou plutôt devant) ce label. 

Malgré ce triste tableau, je ne pense pas que la solution pour le vin soit la disparition des labels bio; mais bien la défense de l’artisanat par un nouveau label ou encore mieux par davantage de réflexion et de regard critique de notre part à tous. 

L’idéal étant bien entendu l’artisanat qui respecte les contraintes de l’agriculture biologique. 

Les industriels auront évidemment beaucoup d’idées et de moyens pour toujours faire plus (seul objectif de ce mode opératoire).

Pour cette “pseudo alimentation”, la défense du goût, du produit, d’un terroir, d’une culture … ne passera que par la voie du marketing ou de la cosmétique pour leurrer le consommateur, mais très rarement par la sincérité.

A cause d’une minorité d’humains très puissante avec comme seul intérêt une toute puissance financière, les plus belles idées vertueuses comme proposer une alimentation saine seront malheureusement misent à mal. 

De la même façon que nous devons parler d’écologie responsable pour contrer l’écologie business de plus en plus puissante, nous devons également défendre et promouvoir le bio artisanal pour contrer le bio industriel, de plus en plus puissant également.

La survie de nos campagnes, de nos paysans, de nos paysages, de notre culture, du GOÛT et de notre santé sont en jeu.

Seul le consommateur a le pouvoir. 

Souvenons nous de cette belle phrase de Coluche: « Il suffirait que les gens n’achètent plus pour que ça ne se vende plus »

Alors, en attendant un éventuel label « Artisanal » ou « fait main », deux solutions: Gardons l’esprit critique et privilégions l’artisanat soutenu par les cavistes indépendants.

Vive le vin, Vive les cavistes !

Emmanuel Ménard

Août 2019